Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/383

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— Brulette, nous avons une prière à t’adresser, et si tu as l’air triste et inquiète, voilà mon fils et moi qui n’oserons. Ne veux-tu point nous donner un sourire d’encouragement ?

— Parlez, mon père, et commandez-moi ? répondit Brulette.

— Eh bien, ma fille, il faut que tu sois consentante de nous présenter dès demain à ton grand-père, à seules fins qu’il agrée mon Huriel pour son petit-fils.

— C’est trop tôt, mon père, répondit Brulette, répandant encore quelques larmes ; ou pour mieux dire, c’est trop tard. Car si vous m’aviez commandé cela, il y a une heure, avant que Joseph lâchât de certaines paroles devant moi, j’eusse été consentante de bon cœur. À présent, j’aurais honte, je vous le confesse, d’accepter si librement la foi d’un honnête homme, quand je vois que je ne passe point pour une honnête fille. Je savais bien qu’on m’avait reproché une humeur légère et des goûts de coquetterie. Votre fils lui-même m’avait doucement tancée là-dessus, l’an dernier. Thérence m’en blâmait, tout en me donnant son amitié. Aussi, voyant qu’Huriel avait tant de courage pour me quitter sans me demander rien, j’avais fait de grandes réflexions. Le bon Dieu m’y avait aidée en m’envoyant la charge de ce petit enfant, qui ne me plaisait pas d’abord et que j’aurais peut-être refusé, si, à mon devoir, ne se fût mêlée l’idée que, par un peu de souffrance et de vertu, je serais plus digne d’être aimée, que par mon babillage et mes toilettes. Je pensais donc d’avoir réparé mes années d’insouciance, et d’avoir mis sous mes pieds le trop grand amour de ma petite personne. Je me voyais bien critiquée et délaissée chez nous ; je m’en consolais en me disant : « S’il revient, lui, il verra bien que je ne mérite pas d’être blâmée pour être devenue raisonnable et sérieuse. » Mais voilà que j’apprends bien autre chose, autant par la conduite de Joseph que par la parole