Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/415

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’as donc pas besoin de te jeter dans le cornemusage, puisque ta mère y voit des inconvénients pour toi et des inquiétudes pour elle. Ton idée était de lui assurer un sort. Ça ne regarde plus que moi, et mêmement je m’offre à assurer le tien. Nous écouteras-tu, à la fin, et renonceras-tu à ta damnée musique ? Ne veux-tu point demeurer en ton pays, vivre en famille, et rougirais-tu d’avoir un aubergiste honnête homme pour ton beau-père ?

— Vous êtes mon beau-père, cela est certain, répondit Joseph sans marquer ni joie ni tristesse, mais se tenant assez froidement sur la défensive ; vous êtes honnête homme, je le sais, et riche je le vois : si ma mère se trouve heureuse avec vous…

— Oui, oui, Joseph ! la plus heureuse du monde, aujourd’hui surtout ! s’écria la Mariton en l’embrassant, car j’espère que tu ne me quitteras plus.

— Vous vous trompez, ma mère, répondit Joseph. Vous n’avez plus besoin de moi, et vous êtes contente. Tout est bien. Vous étiez le seul devoir qui me rappelât au pays, il ne m’y restait plus que vous à aimer, puisque Brulette, il est bon pour elle que tout le monde l’entende aussi de ma bouche, n’a jamais eu pour moi que les sentiments d’une sœur. À présent me voilà libre de suivre ma destinée, qui n’est pas bien aimable, mais qui m’est trop bien marquée pour que je ne la préfère point à tout l’argent du commerce et à toutes les aises de la famille. Adieu donc, ma mère ! Que Dieu récompense ceux qui vous donneront le bonheur ; moi, je n’ai plus besoin de rien, ni d’état en ce pays, ni de brevet de maîtrise octroyé par des ignorants mal intentionnés pour moi. J’ai mon idée et ma musette qui me suivront partout, et tout gagne-pain me sera bon, puisque je sais qu’en tous lieux je me ferai connaître sans autre peine que celle de me faire entendre.

Comme il disait cela, la porte de l’escalier s’ouvrit