Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

épreuves qui allaient se faire que le danger commençait pour tous les trois, puisque la mauvaise intention des sonneurs avait été bien visible, et que les Huriel allaient y secourir Joseph, selon leurs prévisions de la matinée.

— Êtes-vous donc déjà dégoûtés de l’entreprise ? leur dis-je. Est-ce parce que nous ne sommes que huit contre seize ? et ne vous sentez-vous point chacun du cœur pour deux ?

— Comment comptez-vous ? me dit Léonard. Croyez-vous que le grand bûcheux et son fils se mettent avec nous contre leurs confrères ?

— Je comptais mal, lui répondis-je, car nous sommes neuf. Joseph ne se laissera point manger la laine sur le dos, si on lui chauffe trop les oreilles, et puisque les deux Huriel ont pris des armes, il me paraît bien certain que c’est pour le défendre, s’ils ne peuvent se faire écouter.

— Il ne s’agit pas de ça, reprit Léonard ; nous ne serions que nous six, et ils seraient vingt contre nous, que nous irions encore sans les compter ; mais il y a autre chose qui nous plaît moins que la bataille. On vient d’en causer au cabaret, chacun a raconté son histoire ; le moine a blâmé ces pratiques-là comme impies et abominables ; la Mariton a pris une peur qui a gagné tous les assistants, et, encore que Joseph ait ri de tout cela, nous ne pouvons pas être certains qu’il n’y ait quelque chose de vrai au fond. On a parlé d’aspirants cloués dans une bière, de brasiers où on les faisait choir, et de croix de fer rouge qu’on leur faisait embrasser. Ces choses-là, me paraissent trop fortes à croire ; mais si j’étais sûr que ce fût tout, je saurais bien donner une bonne correction aux gens assez mauvais pour y contraindre un pauvre prochain. Malheureusement…

— Allons, allons, lui dis-je, je vois que vous vous êtes laissé épeurer. Qu’est-ce qu’il y a encore ? Dites le tout, afin qu’on s’en moque ou qu’on s’en gare.