Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/442

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une saignée. Le soleil brillait sur les courtines jaunes, et, sauf une grande faiblesse, je ne sentais aucun mal. Je me tournai vers Joseph, qui avait bien des marques, mais aucune dont il dût rester dévisagé, et qui me dit en m’embrassant : — Eh bien, mon Tiennet, nous voilà comme autrefois, quand, au retour du catéchisme, nous nous reposions dans un fossé, après nous être battus avec les gars de Verneuil ? Comme dans ce temps-là, tu m’as défendu à ton dommage, et, comme dans ce temps-là, je ne sais point t’en remercier comme tu le mérites ; mais en tout temps, tu as deviné peut-être que mon cœur n’est pas si chiche que ma langue. — Je l’ai toujours pensé, mon camarade, lui répondis-je en l’embrassant aussi, et si je t’ai encore une fois secouru, j’en suis content. Cependant, il n’en faut pas prendre trop pour toi. J’avais une autre idée… Je m’arrêtai, ne voulant point céder à la faiblesse de mes esprits, qui m’aurait, pour un peu, laissé échapper le nom de Thérence ; mais une main blanche tira doucement la courtine, et je vis devant moi la propre image de Thérence qui se penchait vers moi, tandis que la Mariton, passant dans la ruelle, caressait et questionnait son fils.

Thérence se pencha sur moi, comme je vous dis, et moi, tout saisi, croyant rêver, je me soulevais pour la remercier de sa visite et lui dire que je n’étais point en danger, quand, sot comme un malade et rougissant comme, une fille, je reçus d’elle le plus beau baiser qui ait jamais fait revenir un mort.

— Qu’est-ce que vous faites, Thérence ? m’écriai-je en lui empoignant les mains que j’aurais quasi mangées ; voulez-vous donc me rendre fou ?

— Je veux vous remercier et aimer toute ma vie, répondit-elle, car vous m’avez tenu parole ; vous m’avez renvoyé mon père et mon frère sains et saufs, dès ce matin, et je sais tout ce que vous avez fait, tout ce qui vous est arrivé pour l’amour d’eux et de moi. Aussi