Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/445

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— N’étiez-vous point là en état et en droit de légitime défense ? dit Benoît. Allons donc ! vous avez parlé aussi bien que vous deviez, et n’avez levé le bras que quand vous y avez été forcé.

— Sans doute, sans doute, répondit le carme ; mais mon malin diable de père prieur me fera des questions. Il me tirera les vers du nez, et je serai forcé de lui confesser qu’au lieu d’y aller avec réserve et à regret, je me suis laissé emporter au plaisir de taper comme un sourd, oubliant que j’avais le froc au dos, et m’imaginant être au temps où, gardant les vaches avec vous, dans les prairies du Bourbonnais, j’allais cherchant querelle aux autres pâtours pour la seule vanité mondaine de montrer que j’étais le plus fort et le plus têtu.

Joseph ne disait rien, et sans doute il souffrait de voir deux couples heureux qu’il n’avait plus le droit de bouder, ayant reçu d’Huriel et de moi si bonne assistance.

Le grand bûcheux, qui avait pour lui, en plus, un faible de musicien, l’entretenait dans ses idées de gloire. Il faisait donc de grand efforts pour voir sans jalousie le contentement des autres, et nous étions forcés de reconnaître qu’il y avait, dans ce garçon si fier et si froid, une force d’esprit peu commune pour se vaincre.

Il resta caché, ainsi que moi, dans la maison de sa mère, jusqu’à ce que les marques de la bataille fussent effacées ; car le secret de l’affaire fut gardé par mes camarades, avec menaces aux sonneurs toutefois, de la part de Léonard, qui se conduisit très-sagement et très-hardiment avec eux, de tout révéler aux juges du canton, s’ils ne se rangeaient à la paix, une fois pour toutes.

Quand ils furent tous debout, car il y en avait eu plus d’un de bien endommagé, et notamment le père Carnat, à qui il paraît que j’avais démanché le poignet, les paroles furent échangées et les accords conclus. Il fut décidé que Joseph aurait plusieurs paroisses, et il se