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Les Maîtres Sonneurs

pas vu souvent, car on n’en élève point dans nos pays, et les muletiers n’y passent guère. Je m’apprêtais à le prendre et le tenais déjà aux crins, quand, levant de l’arrière-train et lâchant une douzaine de ruades dont je n’eus que le temps de me garer, il sauta comme un lièvre par-dessus le fossé et s’ensauva si vite, qu’en un moment je l’eus perdu de vue.

Ne me souciant point d’avoir mon avoine gâtée par le retour de cette bête, je renonçai à dormir avant d’en avoir le cœur net. Je rentrai à la maison pour prendre ma veste et mes souliers, et, fermant bien les portes, je descendis par les prés vers le côté où j’avais vu courir la mule. J’avais bien une doutance que ça faisait partie de la bande à l’homme noir, ami de Joseph ; justement, Joseph m’avait conseillé de n’y rien voir ; mais depuis que j’avais touché une bête vivante, je ne me sentais plus aucune crainte. On n’aime pas les fantômes ; mais quand on est sûr d’avoir affaire à du solide, c’est autre chose, et du moment que l’homme noir était un homme, si fort fût-il et si barbouillé lui plût-il de se montrer, je ne m’en embarrassais non plus que d’une belette.

Vous n’êtes pas sans avoir ouï-dire que j’étais un des plus forts du pays dans mon jeune temps, puisque, tel que me voilà, je ne crains encore personne.

Avec ça, j’étais vif comme un gardon, et je savais qu’en un danger au-dessus du pouvoir d’un seul, il aurait fallu être un oiseau ailé pour m’attraper à la course. M’étant donc précautionné d’une corde, et armé de mon fusil, à moi, qui n’avait point de balles bénites, mais qui portait plus juste que celui de mon père, je me mis à la recherche.

Je n’avais pas fait deux cents pas, que je vis trois autres bêtes pareilles, dans la marsèche à mon beau-frère, lesquelles s’y comportaient aussi malhonnêtement que possible. Comme la première, elles se laissèrent bien approcher, mais, tout aussitôt, prirent leur course