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les sept cordes de la lyre

méphistophélès. Ah ! prenez garde de vous amender jusqu’au blasphème, mon pauvre ami. Il faut pourtant croire à quelque chose, ne fût-ce qu’à sa propre ignorance.

albertus. Je suis payé pour croire à la mienne. Depuis deux mois que je vois se répéter tous les jours sous mes yeux le phénomène dont nous parlions tout à l’heure, il m’est encore impossible d’établir, à cet égard, une théorie qui me satisfasse le moins du monde.

méphistophélès, à part. Attends ! attends ! je vais embrouiller toutes tes grandes idées avec des mots ! (Haut.) Je le crois bien, mon cher monsieur ; vous ignorez une foule de choses que vous méprisez et qui vous ouvriraient pourtant les portes d’un monde inconnu. Par exemple, je parie que vous n’avez jamais entendu parler des harpes magnétiques.

albertus. J’ai entendu parler des harpes éoliennes que le vent fait vibrer.

méphistophélès. Et vous ne regardez pas la chose comme impossible ?

albertus. Non certainement.

méphistophélès. Vous admettez que l’air peut jouer de la harpe, et vous n’admettez pas que le souffle humain, mû par la volonté, par la pensée, par l’inspiration, puisse produire des effets semblables ?

albertus. Il faudrait supposer à de tels instruments une incroyable délicatesse d’impressions, si l’on peut parler ainsi.

méphistophélès. Supposez encore plus. Supposez qu’il existe un rapport sympathique entre l’artiste et l’instrument.

albertus. Voilà Ce que je ne puis admettre.