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les sept cordes de la lyre

persévérant et consciencieux ne puisse comprendre.

albertus. Je le crois aussi. Dieu vous garde !

méphistophélès. Et vous aussi, à moins que le diable ne soit le plus fort ou le plus malin. (Il se rend invisible.)

albertus, seul. Voilà un homme bizarre ; un charlatan, sans doute ; un escroc, peut-être ! Il m’allèche par ses contes, afin de me vendre chèrement ses parchemins… N’importe : la vue n’en coûte rien, a-t-il dit. (Il lit les parchemins.) Eh ! mais voici quelque chose qui ne me paraît pas dépourvu de sens :

« Esprit qui m’aimes et qui veux remonter vers Dieu, je saurai te lier à la lyre. La trace du génie de l’homme est immortelle comme le génie lui-même ; elle est la semence qui doit féconder le génie des autres hommes, jusqu’à ce que, absorbée et transformée par lui, elle s’efface en apparence. Mais c’est alors qu’elle remonte vers le ciel comme un sillon de flamme, après avoir embrasé le champ destiné à alimenter le feu sacré. »

Ne pourrait-on pas traduire ainsi ce passage : Toute puissance émanée de Dieu, et versée dans le sein de l’homme, doit accomplir une mission sur la terre. La vie de l’homme qui en a été investi ne suffit pas pour la développer ; c’est pourquoi le pouvoir lui est donné de la fixer ici-bas, en la matérialisant dans une œuvre quelconque. Cette œuvre, qui survit à l’homme, ce n’est plus l’homme lui-même, c’est l’inspiration qu’il avait reçue, c’est l’esprit qu’il avait possédé durant sa vie. Cet esprit doit retourner à Dieu, car rien de ce qui émane de Dieu ne s’égare ou ne se perd. Mais,