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les sept cordes de la lyre

vant qui, tout dernièrement, a placé devant nous un vase rempli d’eau incliné sur un récipient ? En calculant la masse d’eau coulante sur la force du son d’un violon, il modifiait la direction, le bouillonnement et la rapidité de l’irrigation au gré de l’archet promené sur les cordes. La théorie de cette action sympathique sera longtemps discutée peut-être, mais le fait est avéré. Peut-être en trouveriez-vous une explication satisfaisante dans les manuscrits que je vous ai remis ce matin,

Albertus. Plût au ciel que je n’eusse pas jeté les yeux sur ce maudit grimoire ! Les extravagances dont il est rempli ont troublé mon cerveau toute la journée.

Méphistophélès. Pourtant, mon maître, vous avez fait une expérience qui n’a pas mal réussi. En retranchant deux cordes de la lyre, vous avez tellement changé la nature des inspirations d’Hélène, que, pour la première fois de votre vie, vous avez failli comprendre la musique.

Albertus, à part. Ses railleries m’irritent, et pourtant cet homme semble lire en moi. Il sait évidemment beaucoup de choses que j’ignore. Pourquoi ne lui ouvrirais-je pas mon âme ? Son scepticisme ne peut être contagieux pour moi, et sa science peut me tirer du labyrinthe où je m’égare. (Haut.) Maître Jonathas, vous étiez donc là pendant qu’Hélène jouait de la lyre ? Vous avez compris son chant ?

Méphistophélès. Très-bien. Elle a chanté la création terrestre, la nature, comme on disait au xviiie siècle, en langue philosophique. La première corde d’argent est consacrée à la contemplation de la nature ; la seconde, à la Providence… Oh ! je sais