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les sept cordes de la lyre

lire au fond des âmes généreuses qui préparent le jour de la justice ? n’entends-tu pas la prière des exilés, et ces chants de la patrie absente qui appellent la colère céleste sur les injustes, la miséricorde sur les faibles, la protection sur les forts ? Fille de la lyre ! au lieu de te lamenter sur les forfaits et les infortunes de l’homme, agenouille-toi et invoque le secours d’en haut. Prions ensemble, unissons nos larmes et nos prières. Que notre amour nous donne l’espoir et la ferveur ! Prions ! tenons-nous embrassés et prosternés aux pieds de celui…

Hélène. Tais-toi ! ne nomme pas ce qui n’existe pas ! Si une puissance fatale préside aux destins de l’humanité, c’est le génie du mal, car l’impunité protège le crime ! Que parles-tu de Providence ? que parles-tu d’amour ? La Providence est muette, elle est sourde, elle est impotente pour les victimes ; elle est ingénieuse et active pour servir les desseins de la perversité. Sois maudite, ô Providence ! Et toi, Esprit, ne me parle plus. Tu m’as révélé des maux que j’ignorais : sois puni de tes enseignements cruels par mon silence ; cherche l’amour dans un cœur que tu n’auras pas brisé ; demande ton salut à une âme qui pourra encore aimer et croire ! (Elle se lève. — Albertus fait un cri.)

Wilhelm. Non, non ! elle ne veut pas attenter à sa vie. Voyez ! elle jette la lyre dans l’abîme, et redescend vers nous légère comme l’hirondelle qui cache son nid au sommet des vieilles tours. Oh ! qu’elle est belle avec ses cheveux épars et sa robe blanche que le vent fait ondoyer !

Hélène, se jetant dans les bras d’Albertus. Mon père, emmenez-moi, cachez-moi ! Descendez-moi aux entrailles