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les sept cordes de la lyre

forte et limpide. Tous la comprendront, car les deux cordes d’acier traitent de l’homme, de ses inventions, de ses lois et de ses mœurs. — Vous voyez que je sais mon Adelsfreit sur le bout du doigt. Quant à la corde d’airain, la dernière de toutes…, celui qui la fera vibrer connaîtra le mystère de la lyre.

albertus. Eh bien, je ne le connaîtrai pas. J’y renonce. Je briserai la lyre en rentrant à la maison.

méphistophélès. Présomptueux ! Croyez-vous que cela soit en votre pouvoir ? La lyre est tombée tout à l’heure du ciel en terre sans recevoir le plus léger dommage. Votre main se briserait en essayant de la détruire.

albertus. D’où vient donc que je brise sans le vouloir, et par le plus léger attouchement, ses cordes délicates ?

méphistophélès. Tout cela tient au mystère que vous ne voulez pas connaître. N’avez-vous jamais ouï dire qu’une âme poétique et tendre résiste avec constance aux plus grands revers de la fortune, tandis qu’elle se contriste, se resserre et se brise au moindre échec dans ses affections ? Vous-même, vous souriez quand l’autorité brutale ferme votre cours et arrête vos publications. Pourtant, si Hélène est malade, ou si un de vos disciples commet un acte d’ingratitude envers vous, votre force est vaincue, et vous versez des pleurs comme un enfant. Le mystère de la lyre n’est pas plus inexplicable que cela.

albertus. Vous vous tirez de tout par des comparaisons et des symboles.

méphistophélès. Tout est symbole dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre matériel ; ces deux ordres obéissent à des lois analogues et accomplissent