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les sept cordes de la lyre

méphistophélès. Sans doute ; qu’a de commun la poésie avec l’amour ? Jamais cela n’est tombé sous le sens d’un philosophe !

albertus. C’est assez ! vos railleries me fatiguent, et tout ce que je viens de vous dire est assez triste pour mériter, de votre part, autre chose qu’un froid dédain. Vous êtes un homme sans entrailles ; laissez-moi !

méphistophélès. Vous m’accusez, ingrat, quand je vous sers malgré vous ! Dupe de vos propres sophismes, vous aviez mis entre vous et le bonheur des obstacles invincibles, la contrainte et la gaucherie d’un philosophe ! Je vous ai fait connaître et modifier les propriétés magiques de cette lyre. Grâce à moi, vous avez dans les mains un talisman avec lequel vous pouvez toucher le cœur d’Hélène, et lui apparaître plus jeune et plus beau que le plus jeune et le plus beau de vos élèves… Et vous le dédaignez, pour vous renfermer dans votre sot orgueil ou dans votre prudence couarde ! Eh bien, que votre destinée s’accomplisse ! Maintenant, la mélodie de la lyre est tellement simplifiée, que vous pourriez en jouer aussi bien qu’Hélène, et agir sur elle comme jusqu’ici elle a agi sur vous… Le tendre Wilhelm, ou le passionné Hanz, ou le beau Carl, en joueront à votre place ; et Hélène, à jamais guérie de sa folie, sera l’heureuse et chaste amante de celui des trois qui sera le mieux inspiré !… Bonsoir, maître, je vous souhaite une bonne nuit et de longs jours sur la terre !

albertus. Attendez : que dites-vous ?… Hélène guérie ? Hélène heureuse ?

méphistophélès. Ma société vous fatigue… Adieu !…