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les sept cordes de la lyre

inspirations du ciel, et sa folie apparente n’est que l’absence des instincts grossiers de la vie. Ô créature charmante, combien je t’ai calomniée autrefois lorsque j’ai douté de ton intelligence ! combien j’ai été fou moi-même de me défendre de l’émotion que ta beauté m’inspirait ! C’était une pensée sacrilége que de ne pas croire l’existence d’une telle beauté extérieure liée à celle d’une beauté intellectuelle aussi parfaite ! Hélène, les sons puissants que tu viens de me faire entendre ont ouvert mon âme aux harmonies du monde supérieur. Je sens que tu célèbres les feux d’un amour divin, et cet amour pénètre mon sein d’une espérance délicieuse. Écoute-moi, Hélène ! je veux te dire que je t’aime, que je te comprends, et que mon amour est enfin digne de toi ! Écoute-moi, car l’âme est une lyre ; et, comme tu as fait vibrer celle-ci par ton souffle, tu as éveillé par ton regard une harmonie cachée au fond de mon être… (Il s’agenouille auprès d’Hélène, qui le regarde avec surprise.)

L’esprit de la lyre. Hélène, Hélène ! un esprit puissant te parle, un esprit lié encore à la vie humaine, mais dont l’essor mesure déjà le ciel, un esprit de méditation, d’analyse et de connaissance… Hélène, Hélène ! ne l’écoute pas, car il n’est pas, comme toi, enfant de la lyre !… Il est grand, il est juste, il est dans la lumière et dans l’espérance ; mais il n’a pas encore vécu dans l’amour que célèbre la corde d’airain. Il a trop aimé les hommes, ses frères, pour s’absorber en toi. Hélène ! Hélène ! ne l’écoute pas, crains le langage de la sagesse. Tu n’as pas besoin de sagesse, ô fille de la lyre ! tu n’as besoin que d’amour. Écoute la voix qui chante l’amour, et non pas la voix qui l’explique.