Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

albertus. Écoute, écoute, ô Hélène ! Quoique fille de la poésie, tu dois entendre ma voix ; car ma voix vient du fond de mon cœur, et l’amour vrai ne peut manquer de poésie, quelque austère que soit son langage. Laisse-moi te dire, ô jeune fille, que mon cœur te désire et que mon intelligence a besoin de la tienne. L’homme seul est incomplet. Il n’est vraiment homme que lorsque sa pensée a fécondé une âme en communion avec la sienne. N’aie plus peur de ton maître, ô ma chère Hélène ! Le maître veut devenir ton disciple, et apprendre de toi les secrets du ciel. Les desseins de Dieu sont profonds, et l’homme n’y peut être initié que par l’amour. Toi qui chantais hier d’une voix si déchirante les crimes et les infortunes de l’humanité, tu sais que l’humanité aveugle et déréglée erre sur le limon de la terre comme un troupeau sans pasteur ; tu sais qu’elle a perdu le respect de son ancienne loi ; tu sais qu’elle a méconnu l’amour et souillé l’hyménée ; tu sais qu’elle demande à grands cris une loi nouvelle, un amour plus pur, des liens plus larges et plus forts. Viens à mon aide, et prête-moi ta lumière, ô toi qu’un rayon du ciel a traversée ! Unis dans une sainte affection, nous proclamerons, par notre bonheur et par nos vertus, la volonté de Dieu sur la terre. Sois ma compagne, ma sœur et mon épouse, ô chère fille inspirée ! Révèle-moi la pensée céleste que tu chantes sur ta lyre. Appuyés l’un sur l’autre, nous serons assez forts pour terrasser toutes les erreurs et tous les mensonges des faux prophètes. Nous serons les apôtres de la vérité ; nous enseignerons à nos frères corrompus et désespérés les joies de l’amour fidèle et les devoirs de la famille.