Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
les sept cordes de la lyre

Hélène, jouant de la lyre. Écoute, ô Esprit de la lyre ! ceci est un chant sacré, c’est une belle et noble harmonie ; mais je la comprends à peine ; car c’est une voix de la terre, et, depuis longtemps, mes oreilles sont fermées aux harmonies de la terre. Les cordes d’argent ne chantent plus ; les cordes d’acier sont devenues muettes. Explique-moi l’hymne de la sagesse, toi qui du ciel es descendu parmi les hommes.

L’esprit de la lyre. Je ne puis plus rien t’expliquer, ô fille de la lyre ! je ne puis que te chanter l’amour. J’ai perdu la science ; je l’ai perdue avec joie, car l’amour est plus grand que la science ; et ton âme est l’univers où je veux vivre, l’infini où je veux me plonger. La sagesse te parle de travaux et de devoirs, la sagesse te parle de la sagesse ; tu n’as pas besoin de sagesse, si tu as l’amour. Ô Hélène ! l’amour est la suprême sagesse ; la vertu est dans l’amour, et le cœur le plus vertueux est celui qui aime le plus. Fille de la lyre, n’écoute que moi ; je suis une mélodie vivante, je suis un feu dévorant. Chantons et brûlons ensemble ; soyons un autel où la flamme alimente la flamme ; et, sans nous mêler aux feux impurs que les hommes allument sur l’autel des faux dieux, nourrissons-nous l’un de l’autre, et consumons-nous lentement jusqu’à ce que, épuisés de bonheur, nous mêlions nos cendres embrasées dans le rayon de soleil qui fait fleurir les roses et chanter les colombes.

albertus, à Hélène. Hélas ! tu me réponds par un chant sublime qui allume en moi un désir toujours plus vaste ; mais la sympathie ne met pas ton chant en rapport avec ma prière. Quitte la lyre, ô Hélène ! tu n’as pas besoin de mélodie ; ta pensée est un chant plus harmonieux que toutes les cordes de la lyre, et