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lettres à marcie

ront pas une forme sociale durable et satisfaisante hors de ces grands instincts de l’humanité, qu’on semble traiter aujourd’hui comme si un décret céleste les avait supprimés, comme si, avec les machines à vapeur et les merveilles de l’industrie, on avait trouvé la solution de tous les problèmes de l’intelligence, la satisfaction de tous les besoins de l’âme. Mais ce serait viser trop haut, et c’est déjà trop d’honneur pour moi, Marcie, que d’avoir eu un instant droit de conseil sur un esprit comme le vôtre.



II


Vous dites, Marcie, que vous vous efforcerez d’atteindre à cette vertu tranquille et sereine, mais que vous n’espérez pas beaucoup y parvenir ; qu’il vous faudrait l’aide de plusieurs conditions extérieures, dont les plus simples sont irréalisables. La poésie manque à votre vie, dites-vous ; et cependant, vous sentez qu’elle seule pourrait ennoblir vos tristesses et ranimer vos esprits, qui s’éteignent dans un air lourd et plat. Vous trouvez que de si grandes résolutions à prendre, de telles révoltes à combattre ont besoin des grandes scènes de la nature et de l’air libre des voyages. Vous voudriez changer de place, prier sur la terre de Jérusalem, chercher les cryptes des Pères du désert, gémir dans une horrible tempête, aller les pieds nus et saignants sur les rochers, souffrir davantage, afin de sentir quelque chose, fût-ce la douleur avec énergie.