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lettres à marcie

les coins du presbytère ; aux jours de fête, elles se réunissaient dans une salle basse pour faire quelque pieuse lecture à haute voix à tour de rôle. Après quoi, elles chantaient en partie quelque cantique. Par les fenêtres entr’ouvertes, je voyais et j’entendais ce joli groupe à travers les guirlandes de roses blanches et de liserons écarlates qui encadraient la croisée. Avec leurs magnifiques chevelures blondes, et des bouquets de fleurs naturelles dont se coiffent les jeunes Lombardes, c’était vraiment le trio des Grâces chrétiennes.

La cadette était la plus jolie. Il y avait plus d’élégance naturelle dans ses manières, plus de finesse dans son esprit ; je dirais aussi, plus de magnanimité dans son caractère, si je ne craignais de détruire dans mes souvenirs l’admirable unité de ces trois personnes, en n’admettant pas que le trait d’héroïsme que je vais vous raconter n’eût pas été possible à toutes trois également.

Arpalice était le nom de cette cadette. Elle aimait la botanique et cultivait une plate-bande de fleurs exotiques le long d’un mur du jardin qui recevait les pleins rayons du soleil et en conservait la chaleur jusqu’à la nuit. De l’autre côté du mur s’élevaient à peu de distance, les fenêtres d’une jolie maison voisine, qu’une riche famille anglaise loua pour un été. Lady C*** avait avec elle deux fils : l’un phthisique, et qu’elle essayait de rétablir à l’air pur des campagnes alpestres ; l’autre, âgé de vingt-cinq ans, plein d’espérance, beau de visage et doué d’un esprit fort droit, d’un caractère équitable et généreux. Ce jeune homme voyait de sa fenêtre la belle Arpalice arroser ses fleurs ; et, dans la crainte de la mettre en fuite, il l’observait chaque jour, et tout le temps