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lettres à marcie

humble espérance vaut mieux que le combat du plus orgueilleux désespoir.



IV


Dans un siècle sans foi et sans crainte, lorsque soi-même on est entraîné par l’esprit d’examen et de doute, il est impossible, dites-vous, de trouver dans le vague des idées religieuses la consolation et la force que nos pères puisaient dans un dogme absolu. Il est vrai, Marcie, que nous traversons une époque fatale, et que, de toutes celles qui enfantèrent des révolutions importantes dans la marche de l’esprit humain, aucune peut-être ne fut aussi féconde en souffrances et en terreurs.

Il y avait naguère encore un dogme et une doctrine, un maître, un législateur, un Dieu ami, et de là un culte, un commerce direct et brûlant entre les âmes d’élite et celui qu’on appelait le Fils de l’homme. La foi a perdu son mystère ; l’homme a contesté au maître et à l’ami son humble et ineffable divinité. Les rares chrétiens ont disparu de notre chevet, les pieds de Jésus n’ont plus reçu les baisers des vierges, les plis du voile sans tache de Marie n’ont plus essuyé les larmes des solitaires. L’homme a dit au Christ : « Je n’ai plus besoin de toi, je suis assez sage, assez fort ; garde tes miracles pour les simples, réserve tes préceptes pour les faibles, présente ton hostie aux lèvres des petits enfants ; pour nous, il nous faut un