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lettres à marcie

et de corps. Je crois qu’au bout de peu de temps et à leur propre insu d’abord, ce besoin de croire et d’aimer reviendrait naturellement germer dans leur sein. De ce besoin à la puissance de le satisfaire, il y a une progression infaillible, pleine de charmes, que beaucoup d’entre nous ont connue, soit dans la guérison de quelque passion funeste, soit au déclin de quelque maladie physique. La nature opère et renouvelle le miracle de vie dans le monde de l’esprit comme dans celui de la matière. De même que le grain de blé devient un épi sous l’influence mystérieuse des éléments, de même la semence divine fructifie rapidement dans le cœur de l’homme au souffle vivifiant d’une invisible sollicitude.

Pour vous, Marcie, qui croyez et qui aimez, la seule inquiétude est de trouver un cadre qui resserre vos principes et les fortifie en les résumant. C’est là ce que vous regrettez amèrement dans ce catholicisme auquel vous dites cependant ne pouvoir retourner ; faute de cette formule, malgré des idées saines, de nobles instincts et une vie pure, vous vous sentez atteinte d’une sorte de vertige, et votre conscience est ébranlée. La plupart des femmes sont dans ce cas, Marcie, et à cet égard elles montrent beaucoup plus d’insouciance ou beaucoup plus de regret que les hommes. Une légèreté naturelle les livre aisément à l’oubli de toute religion, ou bien une extrême sensibilité leur fait sentir le besoin impérieux d’un culte ; à ces dernières, il faut la splendeur des rites, les émotions du sanctuaire, la richesse ou la grandeur des temples, ce concours de sympathies explicites, l’autorité du prêtre, en un mot tout ce qui frappe l’imagination et satisfait ou irrite le sens pratique, si