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lettres à marcie

Je ne m’attribue pas tout l’honneur ni tout le danger de ce que vous appelez si gracieusement, Marcie, votre conversion. Je pense que, le hasard vous ayant conduite au couvent des Bénédictines de X…, le tableau si poétiquement tracé par vous de cette vie monastique vous a frappée plus encore que mes amicales démonstrations. Cette vie est belle en effet pour un artiste, et je conçois que vous ayez été sensible à tout ce charme mis en relief peut-être avec quelque habileté naïve pour vous séduire et vous attirer. Mais remarquez à quelles conditions cette vie est possible. Remarquez quelle faible déviation à l’orthodoxie peut la rendre tout à coup odieuse et impraticable.

Depuis longtemps, vous avez dépouillé ce vêtement des religions qu’on appelle le culte ; je ne vous ai jamais rien enseigné ni rien conseillé à cet égard. Vous ne m’avez jamais consulté et vous avez tranché librement la question, élaguant de vos croyances tout ce qui n’avait plus de pouvoir sur vous. Si j’ai essayé dernièrement d’exhumer de votre cœur tout ce que vous avez sauvé et enseveli des débris du vieil édifice, et de le rattacher aux hardies conceptions de l’édifice nouveau, c’est dans la certitude que je ne pouvais rien vous ôter ni rien vous donner ; vous êtes ce que vous vous êtes faite vous-même, selon les conseils de votre sagesse ou les nécessités de votre destinée. Que feriez-vous donc dans un couvent avec cette liberté d’examen et ce droit d’interprétation auxquels vous ne sauriez certainement plus renoncer ? Vous savez bien que la fidélité au serment ne tient pas tant à la force personnelle de l’homme qu’à la sainteté du serment en lui-même. Le jour où un vœu réputé nécessaire et sacré tombe dans le domaine de l’examen, s’il lui