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lettres à marcie

où la douceur de l’espoir et le stoïcisme de l’abnégation tiennent la balance égale n’est pas dépourvu de joies secrètes et de mystérieux triomphes. Il y a de chastes rêves où l’objet des regrets et des désirs apparaît sous des formes angéliques, plus beau mille fois qu’il ne le fut ou qu’il ne le sera dans la vie réelle. Il y a des mouvements de fierté légitime où le témoignage d’une conscience pure nous défend et nous venge de la vaine compassion d’un monde insensé. Il y a surtout des heures d’effusion où l’âme, victorieuse de ses épreuves, croit sentir le regard de Dieu se poser doucement sur elle et l’inonder d’une chaleur vivifiante. Ces lueurs sont fugitives ; elles traversent rarement nos ténèbres. Telle est la volonté du ciel. Nul homme ne voudrait vivre et souffrir avec ses semblables s’il lui suffisait de se retirer du bruit et de se mettre à genoux pour recevoir l’ineffable rosée de l’amour. Mais à ceux qui acceptent la vie d’ici-bas telle qu’elle est imposée, à ceux qui boivent humblement un calice inévitable, Dieu se manifeste assez souvent et assez sensiblement pour que l’âme attristée se ranime, tressaille, s’attendrisse et continue sa route sur le dur sentier en se disant que Dieu la regarde et ne la laissera pas périr.

Ô mon Dieu, ô lumière, ô sagesse, d’amour ! quand ton esprit passe, quelles sont ces larmes inattendues que le parfum d’un lis ou le chant d’un insecte attirent sur nos paupières desséchées ? Après nos nuits d’angoisse, quand la sagesse humaine, lasse d’arguments sans conviction et de conseils sans puissance, tombe vaincue et brisée sous le poids de nos douleurs, quel est ce frisson inconnu qui parcourt nos veines et ce réveil de la confiance qui lève impérieu-