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lettres à marcie

portent l’homme loin de ses pénates, et laissent à la tête de la famille la femme investie d’une autorité non contestée ; si ses attributions sont considérables, si son rôle est important dans la société, l’instruction qu’elle peut avoir acquise est d’un avantage réel pour la fortune et la dignité de son époux.

Bruyamment occupé au dehors, il aime dans ses heures de loisir et de calme à trouver ses affaires bien gouvernées et ses enfants bien élevés. Le pauvre voit régner sous son humble toit l’économie, sa seule richesse, et sourit au gouvernement humble et laborieux de sa compagne. Ainsi, là où la femme remplit ses vrais devoirs, l’homme, loin d’y apporter obstacle et de se livrer à cette basse jalousie d’autorité domestique qu’engendre l’oisiveté, applaudit aux travaux de son associée, ministre solidaire de ses véritables intérêts.

Mais la guerre est suspendue. La tolérance étouffe heureusement les guerres de religion. La lumière se répand sur les masses. Le despotisme à son déclin jette une dernière clarté sur le monde étonné de se sentir si enchaîné et si libre à la fois. La fermentation des esprits apporte dans les idées un désordre effrayant. L’impunité du vice entraîne ceux-ci, le progrès de la raison attire ceux-là. Chacun obéit à ses instincts et à ses sympathies ; car, jusque-là, il a fallu étouffer instincts et sympathies pour défendre l’existence matérielle que l’industrie commence à affranchir des luttes sociales. Une crise providentielle terrible et magnifique va entraîner l’humanité dans une nouvelle phase de vie. Les croyances religieuses cherchent à se dégager de leurs langes, le sentiment de l’indépendance bouillonne dans toutes les veines,