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les sept cordes de la lyre

HÉLÈNE. Non, maître Albertus, s’il vous plaît, je n’irai pas. Je sortirai dans la campagne. J’irai voir le lever de la lune sur le lac.

THÉRÈSE. Vous ne parlez pas à notre maître avec le respect que vous lui devez. Revenez à vous, Hélène. Toute la ville vous entend et vous voit.

HÉLÈNE. Je ne vois et n’entends personne. Rien n’existe plus pour moi. Je suis seule pour toujours.

ALBERTUS. Hélas ! la crise a été trop forte ! sa raison est perdue… — Hélène, Hélène, obéissez-moi ! je suis votre père. Rentrez chez vous.

HÉLÈNE. Je n’ai point de père. Je suis la fille de la lyre, et je ne vous connais pas. Il y a longtemps que vous me faites souffrir en me condamnant à des travaux d’esprit qui sont contraires à mes facultés. Mais vos grands mots et vos grands raisonnements ne sont pas faits pour moi. Le temps de vivre est venu, je suis un être libre, je veux vivre libre ; adieu !… (Elle s’enfuit à travers le jardin.)

ALBERTUS. Hanz, Wilhelm, suivez-la, et veillez sur ses jours. (Aux autres élèves.) Mes amis, excusez-moi ; ce malheur imprévu m’ôte la force de reprendre la leçon. (Tous sortent.)


Scène IX. — MÉPHISTOPHÉLÈS, LA LYRE.

MÉPHISTOPHÉLÈS. Esprit opiniâtre, qui pourrais recevoir de moi, en un instant, la liberté et la vie ; puisque tu préfères passer par les sept épreuves et sortir lentement de ta prison, au gré d’un homme, attends-toi à souffrir. J’ai assez de pouvoir sur tout ce qui appartient à la terre pour augmenter tes douleurs et prolonger ton agonie. Tu méprises mon se-