Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/282

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d’argent. Nymphes, éveillez-vous, les faunes vont vous surprendre et s’enamourer.

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Ah Dieu ! à cette heure, mes ennemis s’éveillent aussi ! ils s’éveillent pour me haïr. Ils vont se lever pour me nuire. Ils font une prière du matin, peut-être la seule qu’ils aient faite de leur vie, et c’est pour demander ma perte. Ne les écoute pas, ô Dieu bon, ami des poëtes ! Je suis sans ambition ici-bas, sans cupidité, sans mauvais désirs, tu le sais, toi qui me regardes en face par cet œil brûlant des cieux. Tu lis au fond de ma pensée, comme l’astre au fond du miroir ardent, lorsqu’il le perce de son rayon avide, et qu’il en ressort sans y avoir trouvé d’autre feu que celui dont il vient de le remplir. Bonté de là-haut, appui du faible, tu n’écoutes pas la prière de l’impie ; car tout homme est impie qui demande à Dieu la ruine et le désespoir de son semblable. Tu sais que je ne te demande les larmes de personne, et que je ne veux pas triompher pour être tyran, mais pour être libre. Ah ! termine ce combat impie, ô mon Dieu ! mais ne permets pas que la haine et la violence triomphent de l’innocent. — Qu’ai-je fait, disait le poëte exilé, pour être détesté, banni de ma patrie, chassé du toit de mes pères, calomnié, insulté, traduit devant des juges comme un criminel, menacé de châtiments honteux ? Ô pharisiens, vous régnez toujours, et ce que Jésus écrivit du doigt sur la poussière du parvis est effacé de la mémoire des hommes !…

…… C’est bien fait ! pourquoi étant poëte, pourquoi étant marqué au front pour n’appartenir à rien et à personne, pour mener une vie errante ; pourquoi, étant destiné à la tristesse et à la liberté, me suis-je lié à la société ? Pourquoi ai-je fait alliance avec la famille humaine ? Ce n’était pas là mon lot. Dieu, m’avait donné un orgueil silencieux et indomptable, une haine profonde pour l’injustice, un dévouement invincible pour les opprimés. J’étais un oiseau des champs, et je me suis laissé mettre en cage ; une liane