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XI

À GIACOMO MEYERBEER

Genève, septembre 1836.
Carissimo maestro,

Vous m’avez permis de vous écrire de Genève, et j’ose user de la permission, sachant bien qu’on ne vous accusera jamais de camaraderie avec un pauvre poëte de mon espèce. C’est pourquoi, contre tous les usages reçus, je vous dirai toute mon admiration sans crainte de blesser votre modestie. Je ne suis pas un dispensateur de renommée ; je suis ; en fait d’art, un écolier sans conséquence, et les maîtres peuvent agréer mon enthousiasme en souriant.

Je vous raconterai donc une journée de mon voyage, journée commencée dans une église où je ne pensai qu’à vous, et finie dans un théâtre où je ne parlai que de vous. Pour ne pas vous ennuyer de ma personne, je vous ferai le résumé de ma rêverie et celui de mon entretien.

J’entrai dans le temple protestant et j’écoutai les cantiques, nobles chants, purs et braves hymnes, demi-guerriers, demi-religieux, vestiges sacrés des temps héroïques d’une foi déjà aussi vieille et aussi mourante que la nôtre !

Si je jugeais de la religion protestante par le sermon que j’entendis, et du caractère protestant par les figures effacées qui remplissaient à peine un coin du temple, j’aurais une belle occasion d’accabler de mon mépris superbe et l’idée religieuse, et la forme, et les adeptes du culte ; mais c’est la mode aujourd’hui de le faire, et je m’en garderai, car tout