Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

femme l’avait mieux jugé que je ne pensais, et, prenant à cœur la mission que j’avais acceptée, je mis toute ma volonté, toute ma contention d’esprit à le guérir. Je savais bien que son mal était jugé incurable en théorie ; mais j’avais vu un exemple de guérison, et je croyais, je crois encore qu’on peut guérir de tout, tant qu’il y a un peu d’huile dans la lampe.

Son aimable caractère, son généreux esprit aidant, je m’attachai à mon malade comme un artiste à son œuvre. Il le sentit ; il vit que j’étais un cœur dévoué et me prit en sérieuse amitié. Très-discret d’abord et me laissant beaucoup seul dans la crainte de m’accaparer trop à son profit, il se livra davantage quand il reconnut que sa société m’était infiniment agréable. Il avait des connaissances, une instruction littéraire étendue, du goût pour les arts. Il avait beaucoup vu, ayant fait de grands voyages. Il avait aussi beaucoup lu et possédait une belle mémoire. Sa conversation était pleine de charme et d’intérêt ; il racontait à merveille. Nous devînmes peu à peu inséparables aux heures qu’il ne consacrait pas à son ménage oriental. Il prenait intérêt à mes études personnelles et redevenait jeune dans nos récréations. Le soir, il m’apprenait les échecs ; le matin, je lui apprenais l’anatomie. Dans la journée, nous étudiions ensemble l’histoire naturelle,