Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/136

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Je suis toute à l’impatience de le voir paraître. J’en ai la fièvre, une fièvre qui colore mes joues et rend mes yeux brûlants.

» Enfin il apparaît ! C’est un jeune officier sans fortune et sans nom, mais il est beau, il a de la grâce, ses lettres sont passionnées. Il passe les nuits sous ma fenêtre grillée, il est brave et hardi, il réussit à pénétrer dans le jardin du couvent. Il me parle avec passion, il me serre dans ses bras, il m’enivre, il m’éblouit et tout aussitôt m’enlève. Il m’emmène chez une femme que je ne connais pas et qui se charge de me cacher jusqu’à ce que nous puissions quitter secrètement la ville.

« Je suis perdue, n’est-ce pas ? perdue par ma faute ?

— Oh ! il est bien vrai que je suis sans excuse, qu’aucun effort de raison et de prudence ne m’a préservée, que je suis aussi coupable que si je m’étais livrée ; mais le hasard, un hasard bien triste, se charge de m’épargner la chute irréparable.

» Le jour paraît au moment où nous arrivons à ce gîte que je croyais honnête et sûr. Mon amant doit répondre à l’appel des armes. Il est forcé de me quitter. Il reviendra le soir. Brisée de fatigue et d’émotion, j’étais encore si jeune ! je tombe sur un sofa et je m’endors.