Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/142

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» — Allons, me dit-il en voyant mon désespoir, vous êtes plus enfant encore que je ne pensais ; mais n’en rougissez pas jusqu’à en mourir, votre folie prouve que votre père ne se trompait pas en vous jugeant incapable de comprendre ce qu’il appelait vos intérêts. Tant d’entraînement et d’imprudence n’est pas le fait d’une personne corrompue, et je ne vous en fais pas un crime. Seulement…

» — Seulement je suis avilie, n’est-ce pas, pour m’être livrée ainsi à la loyauté d’un inconnu ?

» — Vous n’êtes point avilie, mais vous le seriez vite, si vous ne changiez pas plus vite encore. Vous avez reçu une détestable éducation !

» — Je n’en ai reçu aucune.

» — Oui, voilà le malheur, mais il n’est pas sans remède. Voulez-vous que je vous mette à même de raisonner, de réfléchir et de comprendre ?

» — Oh ! oui, oui, je vous en supplie ; mais mon père permettra-t-il ?… Si vous saviez !…

» — Je sais tout. Apprenez que vous n’avez plus d’autre père que moi. Il vous a cédée à moi.

» — Cédée ?

» — Oui, vendue, — très-cher, — et il est parti pour l’Amérique. Je ne vous dirais pas si crûment les choses, si vous aviez reçu de l’éducation ; mais je dois