Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/149

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dépit jaloux que de sévérité vraie dans l’attitude de M. Brudnel. Il m’aimait peut-être ! mais, s’il en était ainsi, pourquoi me le cachait-il ? Il m’aimait donc sérieusement, il songeait donc à m’épouser, puisqu’il me voulait forte et fidèle !

» Je repris courage, je refusai les leçons de musique, je renvoyai les billets doux sans les lire. M. Brudnel fut content de moi ; cependant il s’en alla en Angleterre et me laissa à Paris sans paraître faire un grand effort pour se séparer de moi.

» Je me résignai ; mais l’ennui de l’inaction, joint à de vains efforts pour profiter des leçons, altérèrent ma santé chancelante. Quand, l’hiver suivant, sir Richard revint me voir, il me trouva atteinte d’une anémie si prononcée, qu’il en fut inquiet et résolut de me faire voyager un peu avec lui et son médecin. Il m’emmena en Italie, où je me rétablis assez vite. Alors il parla de me mettre encore en pension, soit à Milan, soit à Florence. Je marquai beaucoup de soumission, mais je retombai malade, et j’entendis un jour, pendant que je sommeillais, son médecin lui dire :

» — Vous ne vous débarrasserez pas aisément de ce joli fardeau. Elle mourra, si on l’abandonne.

» — L’aimez-vous ? lui dit M. Brudnel avec une brusquerie surprenante.