Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/174

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Sa surprise et son mécontentement n’étaient pas joués. Elle ne m’attendait pas. Dolorès avait agi à sa tête. Ce fut elle qui prit la parole pour dire qu’elle ne voulait pas me laisser coucher sans que j’eusse tâté le pouls de sa maîtresse. Et, comme elle recommençait à parler de sa responsabilité et de la mienne, Manuela, voyant mon air froid, se calma tout à coup, me tendit son bras et me dit en souriant :

— Débarrassez-vous de cette corvée, docteur, car c’en est une, vous n’avez pas besoin de me le dire ; mais soyez tranquille, je me porte bien. Vous n’aurez pas à vous occuper de moi.

— Je m’en occuperai, s’il y a lieu, répondis-je, — et, pour commencer, je constate que vous avez la fièvre.

— Dolorès ne vous dit pas, reprit Manuela, que je viens de danser avec elle une jota aragonaise des mieux enlevées ; mais mon costume vous le dit.

— Et vous, reprit Dolorès, vous ne dites pas qu’au beau milieu de la danse, vous vous êtes évanouie.

— Je ne me suis pas évanouie. J’ai eu un moment de vertige, je n’ai pas perdu connaissance, et cette glace que tu m’as donnée m’a remise tout de suite.

— Mais vous avez la fièvre, le docteur le voit bien ; vous n’avez ni dormi cette nuit, ni mangé aujourd’hui. Vous êtes pâle…