Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Crois ce que tu voudras, reprit-elle précipitamment et d’une voix ardente ; écoute, c’est assez souffrir, c’est assez lutter. Ce n’est pas Richard que j’aime ; je l’ai aimé, je te l’ai dit. Il fallait bien que ce fût vrai, car je ne saurais rien inventer, je n’ai pas assez d’esprit pour cela ; mais je ne me souviens déjà plus de cet amour. Il est comme s’il n’avait jamais existé ; j’en ris à présent en moi-même. Et pourquoi le prendrais-je au sérieux ? Il ne m’a fait commettre aucune faute, cet amour d’enfant qui m’a laissée pure et que je ne saurais jamais me reprocher, puisqu’il m’a préservée de moi-même et relevée à mes propres yeux ! Me voilà, je suis bonne et douce, jolie encore, peut-être destinée à redevenir ce que j’étais à quinze ans, si un peu de bonheur entre dans ma vie. Je n’ai aimé passionnément personne et je n’ai appartenu à personne. J’ai un trésor de tendresse et de passion en réserve pour qui m’aimera sincèrement. Veux-tu m’aimer ? réponds ! Tu m’aimes, je le sais, je le vois, je le sens. Tes colères, tes duretés, tes sarcasmes, c’est une flamme sortie de toi et qui m’a embrasée malgré toi, malgré le sort, malgré moi-même. Il faut s’aimer ou mourir. Ne te défends plus ; sois aussi brave que moi qui me livre et m’avoue vaincue.

Je me défendais énergiquement.