Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/222

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— Qu’elle espère et calcule ce qu’elle voudra, qu’est-ce que cela nous fait ? Si elle m’a donné de mauvais conseils, trouves-tu que je les aie suivis ?

— Ah ! pardonne-moi, m’écriai-je en retombant à ses pieds. Ta loyauté est au-dessus de tout, je le vois bien, et je suis lâche quand j’en doute !

— Tu crois donc en moi ? dit-elle en mettant ses petites mains dans les miennes. Enfin ! Mon Dieu, soyez béni ! Oh ! que je suis heureuse !

— Je vous en fais mon compliment, señora ! dit une voix sèche et glaciale qui partait du fond de l’appartement et qui se rapprochait en parlant. Nous vîmes se dessiner, dans le rayon de lune qui se projetait entre nous et la porte, la pâle silhouette de sir Richard Brudnel.

Je fis un mouvement pour dégager mes mains de celles de Manuela ; elle les roidit de toute sa force.

— Non ! s’écria-t-elle, reste ainsi pour qu’il voie bien comme nous nous aimons ! Est-ce que je voudrais le tromper ?

Mais, comme sir Richard, tournant le dos brusquement, se disposait à sortir, elle me lâcha, courut à lui et le retint.

— Mon ami, mon père, lui dit-elle, pardonnez-moi d’avoir donné mon cœur sans vous consulter ;