Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/29

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et l’espoir de mon salut éternel : elle n’est pas ma mère !

— Mais ce que tu dis là est impossible,… c’est extravagant, c’est inouï !

— Ce qui est inouï, c’est que tu ne le saches pas.

— Il faut que ce soit un grand secret, puisqu’on l’a si bien caché ! Comment donc le saurais-tu, toi, si cela était !

— Il n’y a pas longtemps que je le sais.

— Comment ? voyons ! explique-toi.

— J’ai entendu mon père et maman qui disaient : « Sa mère est morte en lui donnant la vie. — Elle tient de sa mère une santé délicate. — Si elle ne veut pas se marier, eh bien, il faudra la laisser libre. »

— Tu as rêvé cela.

— Non, non, Je ne l’ai pas rêvé, cela est.

On nous appela pour souper, et, en voyant avec quelle tendresse soutenue et sans efforts ma mère traitait Jeanne, je crus avoir rêvé moi-même. J’étais bien plus surpris qu’elle, car si elle disait vrai, il y avait là des circonstances extraordinaires qui ne la frappaient pas comme moi. Chaste enfant, elle ne se disait pas que, mon père étant marié lors de sa naissance, elle ne pouvait être qu’une bâtarde, un enfant sans nom et sans famille avouable. Mon père était donc cou-