Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/326

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rappeler Fanny à la vie ; elle était morte foudroyée, tuée par une parole de ce mari outragé, qui croyait pardonner en lui donnant la mort.

» Quelques jours plus tard, je mettais au monde un enfant mourant auquel on donna le nom de Jeanne et qui ne vécut que quelques heures. Brisée de douleur et de fatigue, j’avais pris ma maison en horreur, et j’en voulais changer lorsque ton père fut forcé de m’avouer un nouveau désastre. Nous étions réduits à quitter notre commerce, qui avait absorbé nos ressources sans nous offrir la moindre compensation ! Après avoir payé les frais du modeste tombeau que nous fîmes élever à Fanny et dont personne ne s’occupa, il nous restait à peine de quoi aller chercher du travail dans un pays où l’on pût vivre à bon marché. Ton père avait déjà conçu un projet qu’il ne me confia point. Il n’était ni abattu ni découragé. Il jurait de nous sauver tous trois du désastre, car Jeanne comptait comme notre fille, et nous étions résolus à l’emmener avec sa nourrice n’importe où nous irions. Nous pensions que sir Richard était mort et qu’elle était désormais orpheline.

» Nous partîmes donc tous aussitôt que je fus en état de voyager, et nous avons passé deux ans à Saint-Jean-de-Luz, où je fis l’état de couturière et où ton