Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/51

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et tu lui serais aussi très-chère ! Demande à Dieu qu’il permette à son âme de te bénir.

Elles s’agenouillèrent toutes deux devant un petit mausolée très-simple sur lequel je lus ces mots gravés sur le marbre :

« À la mémoire de Fanny Ellingston, marquise de Mauville, morte à Bordeaux, le 12 juin 1825. »

Ce nom de Mauville, que ma mère avait plusieurs fois prononcé devant moi, était celui du château où elle avait été élevée. Son père y avait été régisseur. Elle y avait reçu une éducation presque aussi complète que si elle eût été une des filles de la maison. Elle y avait été très-attachée à la marquise, morte jeune et sans enfants. Elle y avait connu mon père, qui avait été ramené des Pyrénées par le marquis de Mauville pour soigner un troupeau considérable de moutons d’Espagne. Son mariage avait été blâmé par les maîtres du château, qui trouvaient Jean Bielsa trop pauvre et trop inférieur par son éducation. Jean Bielsa, qu’on appelait alors de son sobriquet espagnol Moreno, blessé de leur dédain, les avait quittés avec sa femme pour se livrer à un petit commerce qui n’avait pas prospéré.

Voilà tout ce que je savais du passé de mes parents, et, en revenant du cimetière, je questionnai ma mère