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turière, et de Jean Bielsa, commerçant à Bordeaux, le 15 juin 1825.

— Tu vois, lui dis-je, quand nous fûmes seuls ensemble, que tu as une petite cervelle un peu détraquée, et que j’avais raison de me moquer de toi.

— Alors, répondit-elle, tu crois que j’ai menti ?

— Tu as menti comme les gens qui prennent leurs rêves pour des réalités ; on ne leur en veut pas, mais on désire les voir guéris.

— Tu diras ce que tu voudras, reprit-elle avec ce feu subit qui traversait par moment sa langueur habituelle, je ne suis fille ni de Jean Bielsa, ni d’Adèle Moessart. Je suis une étrangère, l’enfant d’une autre race et d’une autre nature ; je ne suis pas ta sœur, et tu es libre de ne pas m’aimer. J’ai plus vécu que toi à la maison, j’ai surpris plus de paroles échangées que tu n’en as pu entendre. Je ne suis pas folle, je ne suis pas menteuse, je ne suis même pas romanesque. Ma mère est morte, et mon père n’est pas le marquis de Mauville.

Elle ne me permit pas de combattre cette nouvelle version, qui tendait à établir qu’elle était fille illégitime de la marquise. Elle alla s’enfermer dans sa chambre. Plus tard il me fut impossible de lui en reparler, elle m’imposa toujours silence avec une éner-