Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/65

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— Non, je ne damne plus personne. As-tu fini de me confesser ?

— Pas encore, ma chérie. Puisque tu es revenue à la raison et à la vérité, pourquoi t’imagines-tu que tu cesserais d’être artiste, si tu devenais une bonne mère de famille ?

— Parce que je suis exclusive. Je ne me sens pas la force d’avoir plusieurs passions à la fois. J’aimerais probablement mon mari ; mes enfants !… je les adorerais. Je ne serais plus musicienne, je le sens bien. Ces autres passions me rendraient peut-être très-malheureuse, on ne sait rien de l’avenir,… tandis que la musique enchante et remplit ma vie. Pourquoi sacrifier le certain à l’inconnu ? En voilà assez. Ne me tourmente pas, c’est inutile.

Je dus rapporter cet entretien à mon ami Vianne, qui partit un peu triste, mais ne vit point là sujet de renoncer à toute espérance.

— Si tu es sûr qu’elle n’a pas d’autre affection, me dit-il, j’attendrai.

— J’en suis sûr, répondis-je ; je peux t’en donner ma parole.

Il retourna à Montpellier, où sa famille était fixée, et je m’apprêtais à l’y rejoindre lorsque mon père revint de Paris très-souffrant. Je restai près de lui et