Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/9

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nous demandant à demi-voix pourquoi nous l’avions toujours craint, — aimez-le de tout votre cœur ; c’est un bon père qui a compris plus qu’on ne lui a enseigné. Il a compris, par exemple, que le plus beau présent à vous faire était de vous donner une éducation au-dessus de celle qu’il a reçue, et aucun sacrifice ne lui a coûté pour cela. Travaillez donc toujours de votre mieux pour l’en remercier.

— C’est bien parlé, petite femme, dit mon père, qui s’était éveillé et qui écoutait, mais il faut que les enfants t’aiment encore plus que moi, car c’est toi qui m’as fait comprendre mon devoir. Je reconnais à présent que tu avais raison. Je sais ce qu’il en coûte pour gagner sa vie quand on est ignorant, et comme mon état est pénible, chanceux…

— C’est bien, c’est bien, dit ma mère en l’interrompant.

Et elle parla d’autre chose.

Le but de notre voyage était le village de Luz dans les Pyrénées. Nous y passâmes la nuit, et le lendemain de grand matin, nous montâmes à la propriété que mon père avait acquise sur la croupe du mont Bergonz. C’était un riant pâturage, bien planté, avec une gentille maison qui servait d’auberge aux promeneurs établis pour la saison aux bains de Saint-Sau-