Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il parut vaincu et céda. Les porteurs l’enlevèrent au pas de course ; il était mince et léger. En un instant, je me trouvai seul avec elle.

— À nous deux, maintenant, monsieur le docteur ! me dit-elle en prenant sans aucun embarras le bras que je lui offrais. Mes porteurs viennent de m’en dire de belles sur votre compte ! Vous êtes reçu médecin à vingt-quatre ans, ce qui est très-joli, vous êtes d’une famille très-honorable et très-estimée, vous allez devenir l’associé du médecin des eaux de Saint-Sauveur ; enfin vous êtes un homme distingué, et même un homme du monde quand il vous plaît de l’être. Et vous vous moquez des pauvres voyageurs, vous les trompez avec un costume d’emprunt, vous vous donnez pour un chasseur d’ours, tandis que vous êtes M. Laurent Bielsa, propriétaire de la jolie maison et du beau pâturage où nous nous sommes arrêtés tantôt ! Pourquoi cette comédie, je vous le demande, et quel plaisir trouvez-vous à rendre ridicules des gens que vous ne connaissez pas et qui ne vous ont jamais rien fait ?

Je lui répondis que je n’avais pas offert mes services, qu’on les avait réclamés sans me consulter, que je ne m’en prenais point à elle de la méprise, et que j’acceptais une leçon due à la rusticité de mes habits et de ma personne.