Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/151

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le chauvinisme nous tombe sous la main. Nous voilà bien loin des pantoufles voluptueuses et du pied rose de la Pompadour ; mais qu’importe, pourvu que la couleur y soit ?

Ah ! que de couleurs perdues dans le kaléidoscope d’une jeune tête qui se croit grave ! que de talent dépensé en pure perte ! que de pierreries éparses qui manquent de fil pour faire un collier ! que de perles de la plus belle eau rejetées à la mer ! que de forces gaspillées, que d’efforts pour devenir un papillon quand on eût pu être un oiseau ! Et pourquoi, je te prie ? Comment se fait-il que, pouvant le plus, vous ne puissiez pas le moins ? Vous avez du génie et pas de bon sens ! C’est que, ne croyant à rien parce que vous voulez être vieux, vous vous prenez à tout indistinctement sans rien saisir.

Le remède est facile : attendez un peu. Vivez, et il vous faudra bien comprendre que la vie ne peut se passer d’un but. Las de n’en point avoir, vous en saisirez un avec ardeur. Fasse le ciel qu’il soit bon ! Mais, si quelques-uns de vous le choisissent mauvais, les autres s’épanouiront au bien par réaction. Ils sauront à quelle lutte se vouer, et les grandes causes de l’humanité, qui se plaident, malgré tout, de siècle en siècle, retrouveront des accusateurs publics très-nets et de libres défenseurs très-passionnés. Dans vingt ans, dans dix peut-être, il vous faudra bien voir où vous allez et prendre parti pour ou contre l’avenir.

En attendant, mon Henri, tu as produit là un charmant symptôme de marasme, et ce n’est pas ta faute ; mais il est charmant quand même à beaucoup d’égards, parce que tu es jeune malgré toi, et que tu le redeviendras tout à fait en mûrissant. Cette mode va passer, elle passe déjà. Vous rirez bientôt d’avoir été des Lauzun, comme nous rions aujourd’hui d’avoir été des Childe-