Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/163

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indécis un instant ; puis, s’étant assuré d’un moyen de transport, il avait écrit le billet et renvoyé à Turdy son domestique, son fusil et ses chiens.

« Je ne vois là rien d’étonnant, dit le grand-père. Le général n’avait pas encore été saluer ma sœur ; la moindre affaire l’aura décidé à se rendre tout de suite à son devoir. »

Il me laissa seul avec Lucie, c’était l’heure de sa sieste, et il en avait d’autant plus besoin qu’il avait été fort ému de notre entretien.

Dès qu’il se fut retiré, je demandai à Lucie pourquoi elle était troublée. Elle me dit qu’elle eût été satisfaite d’une explication ce jour même entre son père et moi.

« Vous devez apprendre, me dit-elle, que son caractère est très vif, mais non opiniâtre. Quand même je ne l’aimerais pas tendrement, je ne le craindrais pas ; mais il est l’homme des formalités extérieures, et il reproche beaucoup à mon grand-père de n’en pas tenir assez de compte en ce qui me concerne. Jusqu’à présent, il s’est beaucoup impatienté de ce que je ne me mariais pas. Il prétend qu’on s’y prend très-mal pour m’y décider, que des parents sages doivent choisir eux-mêmes, présenter le fiancé, et réclamer la soumission aveugle de la jeune fille. La question qu’il a soulevée ce matin à propos de l’obéissance passive n’était qu’une suite de ce raisonnement à mon adresse. Il croit qu’en laissant un jeune couple s’observer et s’étudier mutuellement, on lui donne le temps de se désenchanter du mariage, et il ajoute très naïvement que, si l’on connaissait bien d’avance la personne à laquelle on doit s’unir, on n’en trouverait pas une seule à qui l’on voulût se fier. Quand je lui fais observer que ce n’est point là un encouragement au mariage, il prononce qu’il faut se marier, et pour mon père il faut n’a jamais besoin d’explication.