Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/180

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pour ne pas la quitter, je refusais d’aller passer les fêtes avec ma tante, celle-ci disait que je devenais folle ; mais au fond tous deux espéraient que cet engouement pour l’enfance me conduirait au mariage, et on ne me contrariait pas trop.

« Durant l’été, Lucette parut vouloir vivre. Son intelligence se développait rapidement : elle questionnait beaucoup ; mais ses questions mystérieuses, incompréhensibles quelquefois, m’effrayaient. Que répondre à cette petite âme qui cherchait Dieu et qui semblait le mieux entrevoir dans ses rêves que dans mes explications ? Elle voulait aller dans les étoiles, c’était son idée fixe, et il fallait, quelquefois, lui promettre de l’y conduire pour l’empêcher de pleurer sans cause apparente. — Mais ce n’est pas l’histoire de Lucette que je veux vous raconter. Ses adorables gentillesses, sa poésie bizarre n’ont peut-être existé que pour moi. Elle a été un rêve délicieux et poignant dans ma vie. Au retour des neiges, elle a dépéri rapidement. Je ne la quittais ni jour ni nuit. Par une froide matinée de cet hiver, elle s’est endormie sur mon cœur pour ne plus se réveiller, et dans ce sommeil suprême je l’ai vue sourire une dernière fois, comme si la mort lui apparaissait sous la forme du petit oiseau qui tisse gaiement le berceau d’une vie nouvelle. J’ai ressenti une douleur dont je ne veux pas vous parler : je pleurerais encore, et je ne dois pas vous attrister.

— C’est fait, Lucie, je pleure avec vous, et, moi aussi, j’adore Lucette. Pour moi aussi, elle est une révélation que vous me communiquez… et me voilà tout prêt à vous raconter le reste de votre histoire.

— Oui, je veux bien, dites.

— Eh bien, vous avez été transformée par cet amour de mère ; vous avez compris que l’adoption d’un enfant était une chose bien autrement grave que la gouverne