Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/208

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— Oh ! toutes les histoires que des cervelles de pensionnaires peuvent forger. Il avait reçu dans sa jeunesse la confession d’une demoiselle éprise de lui ; amoureux à son tour, il avait héroïquement fui le danger, et il avait prié et obtenu de ne plus confesser les personnes de notre sexe. C’était là la version la plus accréditée ; mais les imaginations vives en supposaient davantage. Faites-moi grâce du caquet de mes chères compagnes ; je puis vous dire seulement que la pénitente séduite ou séductrice changeait continuellement de rôle dans la légende. Tantôt c’était une princesse et tantôt une bergère. De tout cela, il ne faut pas croire le moindre mot, car l’histoire n’était fondée sur rien ; mais il fallait bien rire et babiller un peu ! »

Je demandai à Élise quelles étaient les attributions du directeur de conscience à son couvent.

« Voici, dit-elle avec gaieté. On était libre de n’avoir jamais rien à démêler avec lui ; mais il nous faisait, dans un grand parloir, une espèce de cours de théologie. En outre, il donnait des leçons particulières d’histoire sainte à quelques-unes des plus sérieuses, à Lucie entre autres, toujours avec la sœur-écoute, brodant à la table où nous avions nos livres et nos cahiers. Ceci nous intriguait encore un peu ; car, avec nos autres vieux professeurs, ces précautions étaient fort négligées, et, si la sœur s’absentait, personne n’y prenait garde, tandis que l’abbé Fervet se montrait rigidement observateur de la règle, et, si la sœur était en retard au commencement des leçons, que nous fussions une ou plusieurs, il se tenait près de la fenêtre, loin de la grille, lisant ou feignant de lire et de ne pas nous voir. Il avait la réputation d’un saint homme, et nul ne pouvait la lui contester : pourtant nous nous disions tout bas qu’il eût été encore plus saint de ne pas tant nous craindre.