Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/214

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y a par là un vieux pauvre très dévot qui a une bonne figure et qui rôde jusqu’à minuit autour du casino. Mon domestique lui fera remettre ceci par un tiers, pour qu’il fasse la commission sans savoir d’où elle vient. Sois tranquille, tout ira bien ! »

J’étais si bouleversé, que je laissai Henri commettre cette imprudence, car c’en était une, surtout si Moreali avait vu dans les yeux d’Élise, une heure auparavant, qu’elle l’avait reconnu. Il pouvait lui attribuer cette supercherie, se défier, renvoyer la lettre en disant qu’elle n’était pas pour lui ; mais aurait-il cette audace ?

« S’il l’a, disait Henri, nous serons d’autant mieux édifiés sur son aimable caractère.

— C’est-à-dire, lui répondis-je, que nous ne saurons rien du tout. »

Nous avons attendu un quart d’heure avec une impatience fiévreuse. Je comptais les minutes, les secondes. Le domestique d’Henri arrive enfin. Il apporte une enveloppe blanche cachetée de noir avec une simple croix pour devise, et dans cette enveloppe le ruban, c’est-à-dire : « Oui ; » c’est-à-dire : « Je vous promets la messe ; » c’est-à-dire : « Je suis prêtre ; » c’est-à-dire : « Je suis l’abbé Fervet… »

Henri était enchanté du succès de sa ruse ; moi, j’en étais triste et un peu honteux.

« Cet homme qui donne si facilement dans un piége improvisé, dans une véritable espièglerie de ta façon, n’est pas un traître bien exercé, lui disais-je ; ce chrétien qui, plutôt que de refuser ses prières et sa sympathie à qui les invoque, s’expose à être découvert, n’est pas un tartufe : il croit sincèrement, et son déguisement lui est peut-être imposé malgré lui par une autorité qu’il regarde comme sacrée. C’est un homme qui se trompe assurément, car le déguisement est toujours un mensonge ; mais