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d’émotion sans t’ouvrir mon cœur, c’était trop. J’étouffe. À demain, père. Tu sais que, d’abord et avant tout, je t’aime de toute mon âme.

Émile.



II.



À M. HONORÉ LEMONTIER, À PARIS.
Aix en Savoie, 2 juin 1861.

M’y voici. Il pleut. Je me suis enfermé dans l’espèce de chalet apocryphe que j’habite à côté d’Aix. Je ne veux m’occuper que de toi aujourd’hui. Ne me gronde pas si j’écris comme un chat. C’est déjà beaucoup que de pouvoir écrire.

Elle a vingt-deux ans. C’est trop pour moi^ n’est-ce pas ? Je me le suis dit. C’est, en raison de la précocité de son sexe et de l’expérience qu’elle a peut-être déjà du monde, dix ans de plus que mes vingt-quatre ans ; mais, quand je l’ai vue d’abord, je l’ai crue beaucoup plus jeune. Son premier aspect est celui d’une enfant. Tu vois que ce n’est pas d’Élise Marsanne que je te parle. Élise est une charmante personne. J’ai fait tout mon possible pour désirer d’être son mari. Tu le désirais, toi, et tu avais raison. Elle est la fille de ton ami, elle est mon amie d’enfance. Je suis venu ici sous prétexte de flâner comme elle, et au fond pour te complaire en m’attachant à cette belle et chère enfant. Eh bien, je ne sais quel refus obstiné s’est fait entre nous. Je n’ai jamais pu venir à bout de l’aimer autrement que comme ma sœur, et on n’épouse pas sa sœur.

Ne dis pas que je suis capricieux, non. Je n’ai point