Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/224

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mérite de la confiance ? Les circonstances sont contre moi, je le vois bien.

— C’est vous qui vous les rendez contraires en vous couvrant d’un masque. À quelle confiance pouvez-vous prétendre, ainsi déguisé ?

— Eh quoi ! reprit-il d’un air de surprise, poussez-vous plus loin que nous le respect de la lettre ? Si vous aviez à fuir une persécution, à travers un danger, à échapper à quelque injuste sentence de prison ou de mort, vous reprocheriez-vous de passer une frontière ou de franchir une ligne ennemie sous l’habit d’un paysan, d’un soldat et même d’un prêtre ?

— Votre vie ou votre liberté court-elle un danger ici ? Pouvez-vous dire oui sur l’honneur ?

— Oui, sur l’honneur, reprit-il. Un de ces dangers était certain pour moi il y a quelques jours. Il n’existe plus ; je suis libre de reprendre le costume ecclésiastique, et je le reprendrai à Chambéry. Si je ne le reprends pas à Aix, c’est pour ne pas attirer inutilement l’attention sur ma personne, et pour ne pas éveiller la malveillance.

— De quelle malveillance vous plaignez-vous donc dans un pays et dans un temps où l’habitude et la mode sont pour tout ce qui porte la soutane ?

— Ah ! cette soutane, vous la détestez bien, Émile ? Mais connaissez-moi donc sans prévention ! Je suis par moi-même un homme obscur, et ma personne a toujours passé inaperçue dans le monde. Ne puis-je avoir eu dans ce pays-ci un devoir à remplir, un devoir tout personnel, je le répète, m’être entouré, pour le mener à bonne fin, de précautions indispensables, et me retirer sans bruit, sans avoir à me faire le reproche d’avoir trompé personne ? Mademoiselle de Turdy, mademoiselle La Quintinie et son père savent qui je suis, son grand-père le sait depuis hier, vous le savez aujourd’hui ; mon hôte, le