Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/246

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sa dévotion ait toujours été parfaitement saine et sage, c’est à Émile de vous le dire. Je sais seulement qu’elle aime Émile, j’en suis certain, et qu’elle déteste la pression du Moreali.

Elle nous a quittés pour aller voir son grand-père. Elle est revenue, et, serrant les mains d’Émile :

« Il faut vous en aller ! Le voilà mieux, ce cher père, je dois m’occuper de lui seul. Pauvre ami ! on l’a bien fait souffrir, et c’est là ce qui m’a mis en révolte ouverte. Il me semblait qu’on venait le poignarder dans mes bras, et je suis devenue une lionne pour le défendre. Oh ! je le défendrai jusqu’à son dernier jour, et ils ne me feront pas aller à Chambéry, où ils voulaient m’attirer pour m’ôter mon seul appui. Je reste ici, quoi qu’il arrive ! Revenez demain, Émile. Je ne pourrai peut-être pas vous voir, mais vous verrez le grand-père ; il faut le tromper, il ne faut pas qu’il souffre davantage ; moi, je supporterai les bourrasques. »

Émile lui demanda s’il ne ferait pas mieux de s’absenter quelques jours pour aller vous chercher.

« Non, dit-elle, qu’il vienne, et ne quittez pas le voisinage.

— Que craignez-vous donc ? s’écria Émile effrayé.

— Tout et rien ! mon père m’a fait hier des menaces… Émile, n’ayez pas peur pour moi, je sauterais de plus haut que ce donjon pour revenir à mon grand-père ; mais si, pendant un jour, on venait à bout de me séparer de lui, je veux que vous soyez là, je vous le confie. Ne me le laissez pas mourir !… et si ce malheur arrivait… ne le laissez pas mourir en colère !… Hélas ! voyez ce que je suis forcée de vous dire, ne souffrez pas qu’il aperçoive seulement l’ombre d’un prêtre à son chevet… »

Nous avons juré tous les deux de faire bonne garde,