Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/271

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Le grand-père et M. Lemontier l’avaient comprise. Le capucin, exténué de fatigue, se retira en bénissant l’assistance. Le général crut triompher ; il prit le bras de M. Lemontier et l’emmena dans le jardin.

« Eh bien, lui dit-il, est-ce que ce n’est pas concluant, ce que vous venez d’entendre ?

— Concluant pour le suicide, répondit M. Lemontier.

— Comment ? quoi ? il a parlé sur le suicide ? »

M. Lemontier résuma clairement le discours du capucin et en fit toucher du doigt toutes les conséquences au général.

« La plus grave, ajouta-t-il, serait que mademoiselle La Quintinie eût été persuadée sans retour, car elle se ferait religieuse dès demain. Est-ce votre intention qu’il en soit ainsi, général ?

— Non pas, sac-à-laine ! jamais !… Mais croyez-vous réellement que ce moine, au lieu de lui parler raison, lui ait conseillé de faire des vœux ?

— Il nous l’a conseillé à tous, et à vous tout le premier.

— À moi ! à moi ! Moi, me faire capucin ?…

— Au nom de la logique, certes.

— Mais vous vous moquez ?

— Je vous donne ma parole d’honneur que tout ce que nous faisons sur la terre est péché au dire de ce prédicateur. Votre habit propre et commode est un péché, le dîner sain et copieux que vous prendrez tantôt est un péché. Votre santé, votre activité, votre autorité, votre prière, votre croyance, votre affection paternelle, votre fille elle-même, tout est péché en vous et autour de vous.

— Eh bien, alors… que veut-il donc que je devienne ?

— Ce qu’il est lui-même, un spectre, un cadavre, rien !