Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/277

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Monsignore, reprit le moine, il n’y a rien à faire avec toi. La chair et le sang te tiennent. Je m’en retourne à Frascati.

— Non, dit Moreali, j’obéirai, je traverserai ce lac… sitôt qu’elle m’aura écrit elle-même !

— Ah ! comme tu l’aimes, gibier de Satan ! reprit le moine avec l’accent ironique d’un profond mépris. Allons, cède-moi ton oratoire, je vais me prosterner là, et je t’avertis que j’y resterai douze heures, douze jours, s’il le faut, sans bouger. Je m’offre pour toi en sacrifice, je ne me relèverai que quand tu m’auras dit : « J’y ai été ! »

Et il se jeta par terre de sa hauteur devant un autel portatif que Moreali cachait dans une petite chambre pour faire ses dévotions, quel que fût son domicile.

Le bruit de ces vieux os qui résonnaient et semblaient craquer sur le carreau fit tressaillir Moreali. Il releva le moine.

« J’y vais, dit-il, j’y vais sur l’heure ! Prie pour moi, mais ne m’attends pas ; j’y resterai peut-être, mais je te jure que j’y vais. »

M. Lemontier s’était entendu de nouveau avec Lucie et son grand-père. Il leur avait annoncé Moreali, il les avait décidés à le voir, à l’entendre, à lui laisser la prédication libre. Cette liberté était la légitimation et la garantie de celle que M. Lemontier aurait lui-même de répondre à Moreali et de tenir tête au général. Le vieux Turdy comprit tout et surmonta ses répugnances. Moreali avait désiré un entretien particulier avec lui. Il fallait savoir le but de Moreali afin de le déjouer, si c’était un but perfide. M. Lemontier n’avait pas oublié la remarque sur laquelle Henri Valmare avait appelé son attention. Moreali était-il influencé par des sentiments personnels