Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/280

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quelque sorte dans ses codes l’autorité paternelle : elle subsiste en son entier dans la conscience du vrai chrétien. Mademoiselle La Quintinie invoquera sans doute contre vous ces lois civiles qui ont assigné un âge de majorité, c’est-à-dire d’impunité, aux enfants rebelles…

— Jamais ! s’écria le général, rendu à ses instincts de despotisme ; je la tuerais plutôt !

— Ne parlons pus de tuer, reprit en souriant Moreali ; sachons nous faire obéir sans éclat et sans violence. Mademoiselle La Quintinie est aux prises avec les suggestions de l’esprit du siècle, avec Satan lui-même.

— Oui, oui, dit le général, qui eût bien voulu concilier ses propres opinions entre elles ; Satan, c’est le siècle, vous l’avez dit ; c’est la Révolution !

— Eh bien, elle est chez vous, la Révolution ! reprit Moreali. Elle ronge votre famille au cœur, et vous lui avez ouvert la porte. M. Lemontier est un de ses brandons ; il est lancé sur votre maison, il la dévorera jusqu’au scandale, et déjà votre fille est atteinte. Qu’elle aime ou non le jeune homme, elle veut faire acte d’indépendance ; elle se sépare de vous aujourd’hui, demain elle se séparera de l’Église. Tenez, monsieur le général, je n’ai plus rien à faire ici, moi ; je suis dédaigné, méprisé. C’est tout simple ! que suis-je pour mademoiselle Lucie ? Ah ! qu’un ami pèse peu dans la conscience qui a méconnu déjà la voix du sang ! C’est à vous de voir si vous voulez tomber dans ce discrédit devant Dieu et devant les hommes, d’avoir courbé la tête sous le vent révolutionnaire et d’avoir fait alliance intime avec les ennemis de la religion et de la société. »

Moreali avait touché juste. Le qu’en dira-t-on conservateur et dévot était bien plus sensible au général que le fait. Quand Moreali le vit ranimé, il le calma. Ils se parlèrent à voix basse, discutant un plan de conduite.